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Commentary

L’atout d’Obama ? Ne pas être Bush

Justin Vaïsse
Justin Vaïsse Former Brookings Expert, Director, Policy Planning Staff - French Ministry of Europe and Foreign Affairs

July 25, 2008

In an interview with Libération, Justin Vaisse explored the reasons for Barack Obama’s popularity in Europe and stressed the contrast between political classes on each side of the Atlantic for minority candidates.

Obama est-il proche du modèle français ?

Les démocrates américains, depuis une soixantaine d’années, sont dans leur ensemble un peu plus proches des Européens que les républicains : notamment sur la nécessité d’intervention de la puissance publique pour réparer des injustices sociales. Mais, hormis le fait qu’il soit démocrate, rien de ce que propose Obama n’est très proche du modèle français. Il en est même moins proche qu’un démocrate moyen. Sur les questions de société, Obama n’est ni contre la peine de mort, ni contre la liberté de posséder des armes à feu. Il souhaite accroître le rôle social des associations religieuses.

Il préconise pourtant une forme de Sécu à l’américaine…

Certes, la couverture maladie dite «universelle» qu’il propose se rapproche, dans l’esprit, de la Sécu française. Mais elle s’en éloigne car sa réforme ne fait que compléter un système basé sur l’employeur et demeure très inégalitaire. Il ne s’agit pas d’une assurance sociale collective administrée par l’Etat. Il ne révolutionne pas le système, mais le replâtre.

Comment expliquer sa popularité en Europe ?

Son atout premier est de ne pas être George W. Bush. C’est justement en France et en Allemagne, où Bush est le plus impopulaire, qu’Obama est le plus applaudi. Comme son programme est assez vague, il est d’autant plus aisé pour les Français de projeter sur lui «cette Amérique qu’on aime». Obama est une sorte de corps plastique malléable. Le fait qu’il soit jeune, noir, rend cette idéalisation plus facile encore. C’est pour ça qu’il y a tant d’erreurs sur ses positions réelles. Avec Obama, les Français prennent un peu leur désir d’Amérique pour des réalités. Dans les faits, Obama reflète l’opinion d’un démocrate, ni plus ni moins.

Obama réhabilite-t-il les Etats-Unis aux yeux des Français comme Sarkozy a réhabilité la France aux yeux des Américains ?

Absolument. Sarkozy est aimé aux Etats-Unis parce qu’il n’est pas Jacques Chirac, et Obama en France parce qu’il n’est pas Bush. Quoi que fasse Sarkozy, il est apprécié aux Etats-Unis, tant par les républicains que par les démocrates. Pourtant, la réconciliation entre les Etats-Unis et la France s’est réellement faite en 2005-2007, sous Chirac.

L’obamania exprime-t-elle aussi un désir de métissage de la classe politique française ?

Oui, c’est l’inconscient qui parle. En soutenant un candidat minoritaire comme Obama, les Français se donnent presque bonne conscience sans réaliser que ça se passe aux Etats-Unis et pas en France, où persistent beaucoup de rigidités et de préjugés. Il y a toujours très très peu de Noirs et d’Arabes à des fonctions électives en France. Mais ça ne coûte rien d’applaudir Obama.