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Pakistan, BAII, nouvelle route de la soie : Pékin trace sa voie

La visite cette semaine du président Xi Jinping au Pakistan, assorti de l’annonce que la Chine effectuerait un investissement de 46 milliards de dollars dans ce pays dans le cadre de la « nouvelle route de la soie », a renforcé encore la position de Pékin en Asie par rapport aux Etats-Unis et à ses alliés proches (Japon, Inde).

La Chine construira un « couloir économique » avec le Pakistan comprenant routes, voies ferrées et pipelines sur une longueur de 3.000 km entre Gwadar au Pakistan et la région autonome du Xinjiang, à l’ouest de la Chine. L’ex-empire du milieu aura ainsi accès à l’Océan indien, ce qui lui permettra de mettre en œuvre la partie maritime de son grand projet de « route de la soie ».

La Chine montre sa capacité à investir

Au delà de cette somme phénoménale, on note surtout que les investissements américains au Pakistan seront largement dépassés par ceux de la Chine, si le projet arrive à son terme.

C’est la suite d’un processus lancé il y a quelques mois avec la Banque Asiatique d’Investissements dans les Infrastructures (BAII) parrainée par la Chine. L’étau s’est refermé sur Washington, si l’on en juge par la liste pléthorique des pays fondateurs de cette nouvelle institution : 57 nations, allant de la Russie au Royaume-Uni, en passant par la Corée du sud, l’Allemagne, la France, le Brésil et même l’Australie dont les demandes d’adhésion ont été « acceptées » selon l’expression consacrée dans la presse chinoise.

Seuls les Etats-Unis, le Canada et le Japon semblent hésiter, malgré la visite à Pékin du secrétaire américain au Trésor Jack Lew. La date de clôture des inscriptions était le 12 avril.

La polémique créée par le Royaume-Uni -première puissance occidentale à reconnaître la banque- avait donné une publicité inattendue aux intentions chinoises en matière d’infrastructures. La publication d’un long rapport par Pékin sur la nouvelle « route de la soie » le 28 mars a confirmé que la Chine entendait mettre en œuvre son vaste chantier eurasien dans les années qui viennent, avec la BAII comme principal instrument financier régional.

« Cette institution sera gérée avec professionnalisme », explique-t-on en Chine, notamment à travers des nominations justifiées uniquement par l’expérience et la compétence des personnes.

L’inspirateur et probable futur président de la BAII, Jin Liqun, ancien vice-ministre des finances habitué aux missions internationales délicates, aurait confié la direction des ressources humaines à un « non-Chinois » qui constituerait actuellement les équipes, dit-on à Shanghai, où sera basée la nouvelle banque avec un capital de départ de 100 milliards d’euros. A l’image des institutions de Bretton Woods (Banque Mondiale et FMI), ses administrateurs ne seraient pas résidents permanents à Pékin.

Un message fort de Pékin

De manière générale, le message martelé par la Chine est qu’elle procédera à de vastes consultations pour ses projets, notamment eu égard à l’ambitieux programme d’infrastructures ferroviaires et routières qu’elle entend mener entre l’Asie et l’Europe, en passant par l’Asie centrale et l’Asie du Sud-est. Ces initiatives seront caractérisées par « une coopération pragmatique » avec les Etats concernés, qui bénéficieront -selon le président Xi Jinping, dans son discours au forum de Boao-  des dites infrastructures pour « s’industrialiser ».

Il s’empêche : malgré ces propos rassurants, l’arrivée peu discrète de la Chine sur ce secteur a déjà troublé une partie de la communauté internationale : poussé par une frénésie électorale (le scrutin législatif britannique ayant lieu le 7 mai), le gouvernement de David Cameron a voulu doubler ses voisins européens, pour le plus grand plaisir de Pékin, qui ne peut que se satisfaire de voir les Européens rejoindre la BAII les uns après les autres.

La France et l’Allemagne ne se sont pas réjouies de cette attitude peu solidaire, et dont l’objectif avoué est d’attirer encore davantage d’investissements chinois (selon Rhodium Group, le Royaume-Uni est depuis 2014 le premier récipiendaire des investissements chinois en Europe, avec plus de 16 milliards de dollars).

Quant à l’Administration Obama, elle a particulièrement mal géré le dossier BAII, qu’elle voit comme un concurrent de la Banque Mondiale et de la Banque Asiatique de Développement. Pendant des mois, le Trésor, le Département d’Etat et surtout le Conseil national de sécurité ont tergiversé sur la question, envoyant des signaux contradictoires à leurs alliés les plus proches comme l’Australie ou la Corée du sud. Certes, la gouvernance de la BAII reste incertaine, mais on peut pronostiquer sans risque que la direction chinoise fera tout pour impressionner le reste du monde – à commencer par ses voisins asiatiques, auxquels elle fait désormais les yeux doux avec des arguments financiers et industriels. Un nouveau jeu commence.

Cet article a été publié dans
La Tribune
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