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Commentary

Point de vue prospectif sur l’Afrique: les potentiels obstacles à l’investissement à surveiller en 2017

Editor's note:

Vous trouverez ci-dessous un point de vue prospectif du chapitre 1 du rapport Foresight Africa 2017. Ce rapport explore six thèmes généraux qui offrent à l’Afrique des outils pour surmonter ses obstacles et stimuler une croissance inclusive. Pour lire le chapitre complet sur la mobilisation de ressources financières pour le développement, cliquez ici.

foresightafrica_brandingbadgePeu de gens auraient pu anticiper la convergence de facteurs ayant transformé les marchés africains au cours de ces dernières années. Nous avons vu certains pays déployer de grands efforts pour améliorer les climats d’investissement, des efforts qui ont favorisé la croissance économique. Nous avons assisté à de vastes réductions de la pauvreté absolue et à la croissance de la classe moyenne africaine possédant des revenus disponibles. Nous avons assisté à la montée en puissance de nouvelles technologies et les bonds en avant (« leapfrog » en anglais ») des anciens systèmes dans des secteurs comme les services de banque, les télécommunications et les services publics. Nous avons également été les témoins des lourdes conséquences qu’un effondrement des prix des matières premières peut avoir sur les budgets nationaux et sur certaines entreprises, sans oublier, bien entendu, les progrès dérisoires réalisés au niveau de la lutte contre la corruption tenace dans de nombreux pays.

Dans l’ensemble, je reste aujourd’hui plus optimiste au sujet des opportunités d’investissement en Afrique que je ne l’ai été durant les 30 ans pendant lesquels j’ai travaillé avec le continent, mais j’ai constaté l’existence de défis interdépendants qui, selon moi, deviendront des facteurs déclencheurs qui alimenteront ou entraveront les flux d’investissement au cours des 12 mois à venir, en fonction de la manière dont ils seront gérés. Ces facteurs sont les suivants : confiance et fiabilité, volonté politique et incertitude.

En premier lieu, je m’inquiète de la persistance du profond scepticisme du secteur public à l’égard du secteur privé, un scepticisme dissimulé derrière des apparences d’accueil favorable. Il se manifeste sous une myriade de formes dissimulées et subtiles au sein de la politique et des processus politiques africains. Toutefois, avec des budgets d’aide humanitaire mondiaux stagnants et des IDE en hausse, les pays historiquement dépendants de l’aide doivent s’adapter à la situation en vue de sécuriser les capitaux nécessaires pour nourrir, éduquer et autonomiser une population en bonne santé et grandissante. Les investisseurs sérieux doivent être accueillis de manière sincère et considérés comme étant de précieux clients créateurs d’emplois et stimulant la croissance économique plutôt que comme des tirelires servant uniquement à produire des recettes fiscales.

De nombreux enjeux sociaux qui auparavant relevaient exclusivement du domaine des budgets gouvernementaux et des groupes d’aide peuvent aujourd’hui être pris en charge avec l’aide du monde des affaires.

Il ne fait aucun doute que ce scepticisme envers le monde des affaires n’est pas dépourvu de fondement. L’héritage laissé par certaines entreprises qui ont parfois privilégié les bénéfices à court terme au détriment de la santé, du bien-être et des relations à long terme avec les communautés locales ont laissé des cicatrices. Nous ne devons cependant pas perdre de vue le fait que de nombreux enjeux sociaux qui auparavant relevaient exclusivement du domaine des budgets gouvernementaux et des groupes d’aide peuvent aujourd’hui être pris en charge avec l’aide du monde des affaires. Cela est rendu possible grâce au développement de modèles innovants permettant de délivrer ces services d’une manière financièrement viable et autonome. Depuis la génération d’électricité aux transports publics gérés par le secteur privé, en passant par les facultés de médecine privées qui peuvent coûter seulement 6 $ par mois, de nombreux besoins pressants en matière de développement peuvent être satisfaits par le biais de modèles commerciaux privés à long terme.

En deuxième lieu, la méfiance à l’égard du secteur privé peut rendre les ministres et les fonctionnaires peu enclins à faire des choix et à prendre des décisions difficiles. Lorsque les gouvernements prennent des décisions courageuses dans l’objectif d’éliminer les subventions énergétiques ou d’établir un tarif reflétant les coûts en vue d’attirer des investissements pour financer les indispensables améliorations énergétiques, il est tentant d’attribuer la responsabilité de toute augmentation des coûts énergétiques leur étant associée à un secteur privé prédateur. Cette attitude fait cependant l’effet d’une douche froide sur les futurs investissements. Les relations entre les investisseurs et les gouvernements doivent être fondées sur la confiance et la fiabilité en vue de déverrouiller les flux de capitaux essentiels au développement.

Ma dernière préoccupation est au sujet de l’incertitude, le pire ennemi des investisseurs. Depuis les tarifs énergétiques jusqu’à la fiscalité, en passant par les processus d’appels d’offres et les politiques foncières et réglementaires, les investisseurs sont avides de prévisibilité. Cependant, nous assistons à de nombreuses situations où les gouvernements renégocient les accords conclus avec les premiers investisseurs pionniers une fois leurs pays considérés comme étant une destination d’investissement plus populaire et moins risquée. Pire encore, nous assistons à un recul des IDE à court terme au sein de certains marchés en raison des effets paralysants des changements de nature répressive apportés aux politiques. Rien ne refroidit davantage les investisseurs que le fait de voir les actuels investisseurs victimes d’impôts rétroactifs, de concessions renégociées ou autres changements politiques imprévus et douloureux.  L’expérience des investisseurs déjà présents dans un pays est la meilleure publicité possible pour les futurs investisseurs, mais elle peut être tout autant positive que très négative.

L’expérience des investisseurs déjà présents dans un pays est la meilleure publicité possible pour les futurs investisseurs, mais elle peut être tout autant positive que très négative.

Dans bien des cas, une politique sous-optimale mais stable est préférable à une politique plus attrayante susceptible de changer. En conservant un système ayant fait ses preuves auquel les investisseurs et les gouvernements sont habitués, les investisseurs disposent d’une base fiable pour leurs plans d’affaires, les délais de développement de projets se raccourcissent et les investissements seront de la partie.

L’Afrique a besoin d’investissements étrangers pour créer des emplois et des opportunités, stimuler la croissance économique, encourager l’innovation et construire des marchés stables. J’espère vivement, en tant que présidente de l’institution de financement du développement du gouvernement américain, que les gouvernements et les investisseurs apprendront à comprendre leurs besoins et leurs perspectives respectifs et à se considérer mutuellement comme étant des partenaires de la croissance en Afrique. Lorsqu’ils pourront tous à la fois avoir et inspirer confiance dans le fait qu’ils assumeront leurs responsabilités de manière équitable, pragmatique et avec un certain sens de l’urgence, des progrès seront réalisés à l’égard des énormes besoins à satisfaire et de la capitalisation des opportunités historiques que l’Afrique mérite grandement.

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