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L’élection présidentielle française vue de Washington

Editor’s Note: Contrary to the 2007 presidential race that drew attention in the U.S., Justin Vaïsse argues that American political observers have been particularly apathetic about this year’s French electoral campaign. Vaïsse argues that if Socialist candidate François Hollande is elected, the Obama White House, which is very comfortable with Nicolas Sarkozy, will have to adjust to the new French stance on Afghanistan and missile defense – but that it may be more satisfied by Hollande’s insistence on growth in Europe.

On aurait mauvaise grâce de blâmer les Américains pour le manque d’intérêt qu’ils démontrent à l’endroit de l’élection présidentielle française de 2012: elle ne passionne pas les Français eux-mêmes, qui pourraient bien s’abstenir massivement. Reste que peu d’articles sérieux sont parus sur le sujet aux Etats-Unis, peu de reportages détaillés, par exemple sur les principaux candidats. Quand ils ne racontent pas un peu n’importe quoi (ainsi, l’idée que les attentats de Toulouse auraient “sauvé” la campagne de Nicolas Sarkozy est particulièrement répandue, alors qu’un simple regard sur la courbe des sondages montre sa fausseté), le tableau qu’ils dépeignent est déprimant. C’est celui d’une France au tissu social déchiré, qui est entrée dans une phase de déni de la réalité économique désastreuse qui est la sienne dans une Europe qui plonge, et dont le président aux abois agite les passions xénophobes et joue lui aussi sur la lutte des classes pour se tirer de son mauvais pas électoral. Quant au candidat socialiste, il mène tout simplement le pays au suicide avec sa proposition de tranche supérieure d’impôt à 75%. En 2007, les choses étaient différentes: le candidat Nicolas Sarkozy piquait la curiosité des médias et faisait vendre des articles (comme en France), Ségolène Royal intriguait, et l’Amérique avait prêté plus d’attention à la course présidentielle française.

Comme si cela ne suffisait pas, l’Amérique est en période de campagne des primaires républicaines, si bien que la France et l’Europe sont utilisées comme repoussoirs par de nombreux candidats: Newt Gingrich stigmatise Mitt Romney parce qu’il parle français comme John Kerry, cet autre libéral du Massachusetts (alors que Newt lui-même parle français), et Romney accuse Obama de vouloir transformer l’Amérique en deuxième Europe (décrite comme “faible, socialiste, pitoyable, et, comparée avec le rayonnant modèle américain, dépourvue d’inspiration”). Quant à Rick Santorum, il déclare que pas une fois la France n’a soutenu les Etats-Unis au cours des vingt dernières années sur la scène internationale – une façon de s’en prendre à la naïveté supposée de Barack Obama qui a déclaré, lors d’une rencontre avec le Premier ministre [sic] Nicolas Sarkozy, que la France était le meilleur allié des Etats-Unis.

Du reste, c’est précisément cette bonne entente franco-américaine qui explique que l’Administration, de son côté, ne soit pas spécialement encline au changement. Ce n’est pas simplement qu’elle sait ce qu’elle perdrait en cas de défaite de Nicolas Sarkozy sans savoir au juste ce qu’elle gagnerait avec un François Hollande à l’Elysée. C’est que la coopération  franco-américaine a été très bonne sur la plupart des dossiers qui comptent pour Obama. Sur l’Iran, Sarkozy a repris la ligne ferme de Jacques Chirac qui remontait à 2002, et l’a encore durcie – calculant que des sanctions renforcées permettraient d’arriver à un compromis et d’éviter des frappes américaines ou israéliennes au lieu de les légitimer (comme cela avait été le cas, grosso modo, pour l’Irak). Ce faisant, il s’est placé en aiguillon des Européens, par exemple pour les sanctions imposées par l’UE, et a facilité la tâche de l’Administration, notamment vis-à-vis des Israéliens, quitte à la bousculer sur sa droite avec une position plus proche du Congrès (et notamment de la Chambre des représentants républicaine) que de l’Exécutif, par exemple concernant les sanctions contre la banque centrale de Téhéran.

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