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Commentary

Hillary Clinton n’a pas senti l’électorat démocrate

Justin Vaïsse
Justin Vaïsse Former Brookings Expert, Director, Policy Planning Staff - French Ministry of Europe and Foreign Affairs

June 5, 2008

Justin Vaisse analyzes the reasons behind Hillary Clinton’s defeat following the Democratic primary process. He also assesses Barack Obama’s assets and liabilities for the general election.

À l’issue des primaires démocrates, pourquoi Hillary Clinton ne jette-t-elle pas l’éponge ?

D’abord parce qu’elle a la volonté de ne pas décevoir les électeurs et les intérêts qui l’ont soutenue tout au long de la campagne des primaires et qui se sentiraient trahis si elle n’allait pas jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la Convention démocrate de Denver en août. Ensuite parce qu’on ne sait pas ce qui peut se passer d’ici à la Convention. Sans imaginer le pire pour Barack Obama (un assassinat NDLR), il peut chuter dans les sondages, commettre une série de gaffes ou se retrouver au centre d’un scandale. Enfin, Hillary Clinton dispose d’un pouvoir qui repose sur sa capacité de nuisance. Elle est donc en mesure de négocier son retrait, en obtenant d’être sur le ticket démocrate pour la vice-présidence ou de jouer un rôle important au Sénat en cas de victoire d’Obama.

Pourquoi Hillary Clinton a-t-elle échoué dans la course à l’investiture démocrate ?

Tout simplement parce qu’elle et son entourage n’ont pas compris le défi que représentait Barack Obama. Ils ont été complètement dépassés, sur le plan intellectuel, par la stratégie du sénateur de l’Illinois. Son instinct politique a failli, elle n’a pas su sentir l’électorat démocrate.

Quels sont les atouts de Barack Obama face au candidat républicain John McCain ?

Sa principale force réside essentiellement dans le désir d’un profond changement de la part d’une grande majorité d’Américains, y compris parmi une frange de l’électorat républicain. Après huit ans d’administration Bush, après l’Irak ou les conséquences dramatiques du cyclone Katrina, il y a, aux États-Unis, un nouveau climat politique, favorable à plus d’intervention de l’État, au contraire de ce qui se passait les années précédentes. Et puis il y a la volonté de se réconcilier avec le reste du monde, ça compte beaucoup pour les Américains. Barack Obama peut incarner cette nouvelle aspiration.

À l’inverse, qu’est-ce qui pourrait le faire échouer dans la course à la Maison-Blanche ?

La question raciale. Il y a encore beaucoup de blancs et de latinos, même démocrates, qui ne voteront jamais pour un candidat noir. Et puis sa jeunesse, et donc son inexpérience, pourrait lui être préjudiciable si, d’ici à l’élection du mois de novembre, les États-Unis étaient confrontés à une crise internationale majeure, ce qu’on ne peut jamais exclure.