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Commentary

Point de vue prospectif sur l’Afrique: les compétences requises dans un monde en évolution

Editor's note:

Vous trouverez ci-dessous un point de vue prospectif du chapitre 2 du rapport Foresight Africa 2017. Ce rapport explore six thèmes généraux qui offrent à l’Afrique des outils pour surmonter ses obstacles et stimuler une croissance inclusive. Pour lire le chapitre complet sur la manière d’augmenter les possibilités d’emploi, cliquez ici.

foresightafrica_brandingbadgeLe monde est confronté à une évolution démographique majeure. Ainsi, l’Afrique comptera un milliard de jeunes à l’horizon 2050. Avec une si grande proportion de la population jeune du monde concentrée en Afrique, les pays du continent ont l’avantage de posséder de vastes populations en âge de travailler et pourraient bien chercher à tirer parti de ce « dividende démographique ».

Toutefois, la contribution économique des jeunes sera tributaire des compétences qu’ils possèdent, d’où l’importance de l’éducation. Malheureusement, de nombreux pays d’Afrique ont du mal à éduquer leur actuelle population de jeunes et les projections pour les décennies à venir anticipent que plusieurs millions d’autres jeunes seront laissés pour compte. D’après le dernier rapport mondial de suivi sur l’éducation de l’UNESCO,[1] et sur la base des progrès actuels, l’Afrique subsaharienne n’atteindra l’objectif d’achèvement universel de l’éducation secondaire qu’après 2080. Outre le problème de l’achèvement de la scolarité, des millions de jeunes qui ne finissent pas leur scolarité ne possèdent même pas de compétences de base en matière de lecture et de calcul et de récentes estimations de la Commission pédagogique révèlent que plus de la moitié de la jeunesse mondiale en 2030 ne possèdera même pas un faible niveau de compétences.

D’ici 2030, 2 milliards d’emplois seront automatisés, soit la moitié du nombre d’emplois qui existent aujourd’hui.

McKinsey[2] anticipe que cette situation se traduira par de fortes lacunes de compétences pour la population active, car le nombre de travailleurs peu qualifiés restera nettement supérieur au nombre d’emplois peu qualifiés alors que les employeurs se retrouveront face à une pénurie de travailleurs moyennement et hautement qualifiés. Les lacunes au niveau de la scolarité et des compétences académiques seront également exacerbées par le fait que les évolutions du monde du travail exigeront de la population active qu’elle possède des compétences plus vastes, notamment la pensée critique, la résolution collaborative de problèmes, la maîtrise de l’information et la créativité. D’ici 2030, 2 milliards d’emplois seront automatisés, soit la moitié du nombre d’emplois qui existent aujourd’hui. Ce qui pourrait peut-être surprendre davantage est que bon nombre d’entre eux ne sont pas des emplois manuels mais des emplois exigeant « des compétences cognitives de routine », comme les avocats et les comptables. La pénurie de compétences techniques et de « compétences en milieu de travail », comme le travail d’équipe et les compétences de communication constituent déjà aujourd’hui un obstacle pour les employeurs en quête de personnel.

La pénurie de compétences techniques et de « compétences en milieu de travail », comme le travail d’équipe et les compétences de communication constituent déjà aujourd’hui un obstacle pour les employeurs en quête de personnel.

Ce climat présente de grands défis pour les systèmes d’éducation africains, car il est indispensable de rapidement élargir l’accès à une éducation de haute qualité et de recentrer ces systèmes en abandonnant l’apprentissage académique mécanique au profit d’un environnement d’enseignement et d’apprentissage couvrant toute la gamme de compétences nécessaires dans un monde en pleine évolution. La recherche du Centre pour l’éducation universelle de Brookings montre déjà que les pays du continent ont exposé leur vision en matière d’éducation dans l’objectif d’accomplir cette vaste mission et bon nombre d’entre eux ont incorporé une gamme diverse de compétences dans les programmes académiques et les documents de politique.[3] Cependant, la plupart des systèmes ont du mal à mettre en œuvre une vision plus large de l’éducation de haute qualité, ce qui devrait être une priorité en 2017.

Les systèmes d’éducation africains doivent rapidement accélérer leurs progrès afin de tirer parti de leur part grandissante de la jeunesse mondiale. Ils n’y parviendront pas en maintenant le statu quo et devront mettre en œuvre des méthodes pédagogiques innovantes pour atteindre les enfants et les jeunes à l’intérieur et à l’extérieur du contexte scolaire. Les pays d’Afrique sont déjà parvenus à progresser en « sautant des étapes » ( « leapfrog » en anglais) dans d’autres secteurs, notamment en adoptant les téléphones portables sans avoir auparavant utilisé la téléphonie fixe et en optant pour des services de banque mobiles avant même d’avoir atteint toute la population au travers de banques physiques.

Aucune région n’a plus intérêt à faire la même chose avec l’éducation que l’Afrique. En effet, nos recherches montrent que de nouvelles méthodes innovantes atteignent même les enfants les plus marginalisés lorsque des méthodes pédagogiques plus efficaces sont utilisées pour enseigner un large éventail de compétences. De telles innovations transforment l’environnement pédagogique en le recentrant sur des activités « pratiques et intellectuelles » qui changent la manière dont les élèves sont évalués et les compétences reconnues par le biais de l’utilisation de nouveaux outils et technologies permettant de personnaliser l’apprentissage et d’établir de meilleurs partenariats entre les écoles et les communautés. À titre d’exemple, « e-Learning Sudan », désormais appelé « Can’t Wait to Learn », a réussi à enseigner les mathématiques aux enfants déplacés sans accès à l’école en leur fournissant des tablettes avec des jeux et des leçons stimulants, conçus sous l’inspiration de leurs propres dessins. Les évaluations ont montré que les enfants peuvent rapidement assimiler des compétences numériques de base alignées au programme académique national et que ce programme est une méthode d’apprentissage flexible et autonomisante pour les enfants. « Learner Guides », un programme dirigé par l’ONG Camfed au Zimbabwe, en Tanzanie, au Ghana, en Zambie et au Malawi, peut également permettre de « sauter des étapes » en vue d’accomplir des progrès plus rapidement dans le domaine de l’éducation en augmentant le personnel du secteur de l’éducation, en allégeant le travail des enseignants et en aidant les enfants à acquérir des compétences essentielles à la vie, comme la ténacité et la capacité d’établir des objectifs. Ce programme vient compléter l’actuel système de scolarisation en ramenant les jeunes femmes ayant achevé le programme d’éducation secondaire de Camfed dans leurs communautés rurales dans le but de faciliter un programme d’apprentissage par les pairs.

Footnotes

[1] UNESCO. 2016. Education for People and Planet: Creating Sustainable Future for All. Global Education Monitoring Report.

Disponible à : http://unesdoc.unesco.org/images/0024/002457/245752e.pdf.

[2] Dobbs, R. et al. 2012. The world at work: Jobs, pay, and skills for 3.5 billion people. McKinsey Global Institute, June. Disponible à : http://www.mckinsey.com/global-themes/employment-and-growth/the-world-at-work.

[3] 3 Care, Ester., K. Anderson, and Kim, H. 2016. Visualizing the breadth of skills movement across education systems. Brookings Institution. Disponible à : http://skills.brookings-edu-2023.go-vip.net/.

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