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Commentary

Tracer la voie pour une gestion effective des ressources naturelles en Afrique de l’Est

En dépit de l’effondrement des prix des matières premières depuis un an, en particulier ceux du pétrole et du gaz, la possession de réserves de ressources naturelles reste un avantage pour un bon nombre de pays en voie de développement. C’est la raison pour laquelle les récentes découvertes de pétrole et de gaz en Afrique de l’Est sont considérées par beaucoup comme étant positives. Si  bien gérés, ces gisements pourraient favoriser la croissance économique de ces pays. Le Kenya, par exemple, anticipe que le pétrole lui permettra d’encaisser des recettes publiques de l’ordre de 10 milliards de dollars US entre 2010 et 2040. L’Ouganda prévoit des recettes publiques de 3,2 milliards de dollars US par an au cours de cette même période. De la même manière, les ressources naturelles de la Tanzanie ont le potentiel de générer des recettes publiques annuelles de 2,5 milliards de dollars US. Au Mozambique, les revenus issus des ressources naturelles pourraient atteindre 9 milliards de dollars US à l’horizon 2032.

Un nouveau rapport—publié en anglais—de l’Africa Growth Initiative à Brookings (l’Initiative de Croissance en Afrique) intitulé « Managing natural resources for development in East Africa: Examining key issues with the region’s oil and natural gas discoveries » [Gestion des ressources naturelles pour favoriser le développement en Afrique de l’Est : analyse des problématiques clés liées aux découvertes de pétrole et de gaz naturel dans la région], passe en revue les stratégies de gestion des ressources naturelles de ces pays, analyse les politiques actuelles et potentielles pour une gouvernance effective des ressources et offre une feuille de route aux États d’Afrique de l’Est afin de les aider à exploiter ces ressources de manière efficace et transparente pour une croissance inclusive. Sur la base d’un évènement approfondi sur la gestion des ressources naturelles en Afrique de l’Est de 2014 et en se fondant sur sept thématiques interdépendantes, Mwangi S. Kimenyi et Zenia Lewis identifient les obstacles qui entravent l’efficacité de la gestion, ainsi que les bonnes pratiques permettant d’éviter la répétition de certaines erreurs commises dans le passé et les opportunités manquées par les pays riches en ressources naturelles.

Questions de droits fonciers et leur lien avec l’exploration du pétrole et du gaz naturel. En ce qui concerne les régimes de droits fonciers et d’occupation des terres, les politiques varient d’un pays à l’autre : le Mozambique, la Tanzanie et l’Ouganda, par exemple, sont trois des sept pays d’Afrique subsaharienne à pleinement reconnaître les arrangements fonciers coutumiers sans enregistrement formel ; cependant, comme l’expliquent Kimenyi et Lewis, la protection des droits fonciers n’en reste pas moins limitée. Dans leur rapport, ils examinent comment les restrictions en vigueur dans les régions riches en ressources naturelles nuisent aux conditions de vie de leurs résidents en raison de l’insuffisance des indemnisations perçues par les personnes déplacées ou des nouvelles règles régissant la gestion des terres leur appartenant.

Consentement libre, préalable et éclairé, et exploration du gaz naturel. Dans cette section, les auteurs poursuivent la conversation sur le déplacement à travers le concept de consentement libre, préalable et éclairé. Même si le respect de ce principe devient de plus en plus la norme dans le secteur de l’exploration du pétrole et du gaz naturel, les auteurs attirent l’attention sur le fait que sa mise en œuvre demeure incohérente et limitée. 

Gestion, transparence et capacité de collecte des recettes par l’État. Étant donné que la capacité de collecte et de gestion des recettes du pétrole et du gaz naturel des États a une forte incidence sur la manière dont l’argent est utilisé pour le développement, les auteurs analysent les politiques, tant réussies qu’inadaptées, mise en œuvre par d’autres pays pour fournir des recommandations à ces pays d’Afrique de l’Est. D’après les auteurs, la coordination des administrateurs fiscaux, des agences de douane et de réglementation, outre l’importance fondamentale de la transparence, entre autres, sont autant de facteurs nécessaires pour une gestion réussie des revenus.

Équilibrage des priorités de développement locales et nationales au niveau de l’utilisation des revenus tirés des ressources. Ces mannes de revenus soulèvent par ailleurs des questions concernant les priorités en matière d’utilisation des ressources, telles que la santé, l’éducation, l’infrastructure et bien d’autres. Dans cette section, Kimenyi et Lewis s’intéressent aux compromis quant au mode de répartition des revenus entre les diverses priorités locales et nationales, dans l’optique de réaliser des économies à plus long terme.

Gestion budgétaire des revenus générés par les ressources naturelles aux fins de la croissance et de la stabilité économiques. Dans cette section, les auteurs offrent des recommandations visant à éviter les principaux problèmes rencontrés par les nouveaux pays riches en ressources naturelles, comme le syndrome hollandais et dressent une liste des avantages, des inconvénients, et du potentiel de fonds souverains en tant qu’outils pour une gestion budgétaire réussie.

Rôle joué par les organisations de la société civile en matière de transparence du secteur du pétrole et du gaz naturel. Le rôle joué par les organisations de la société civile (OSC) est vitale pour maintenir la transparence et encourager l’application des lois régissant l’exploration et la production de pétrole et de gaz naturel. Kimenyi et Lewis passent en revue et analysent les différentes initiatives menées par les OSC en Afrique de l’Est. Ils soulignent, notamment, que le Mozambique est un exemple de pays où les OSC doivent encourager l’État à respecter les normes de transparence internationales convenues, et soulignent les efforts « vibrants » et robustes déployés par les OSC du Kenya visant à encourager la transparence.

Normes de transparence internationales : ITIE, PCQVP et Dodd-Frank. Des efforts internationaux de grande envergure en matière de transparence sont des outils tout aussi importants pour gérer efficacement les ressources naturelles, notamment l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) et l’Article 1504 de la Loi Dodd-Frank pour la réforme de Wall Street et la protection des consommateurs. Dans cette section, Kimenyi et Lewis se concentrent sur l’ITIE, à savoir une coalition d’États, d’entreprises et d’OSC du monde entier qui cherchent à promouvoir la transparence au niveau de la gestion des revenus issus des industries de l’extraction, ainsi que sur les tentatives menées par les pays d’Afrique de l’Est en vue de respecter la Norme ITIE établissant des obligations en matière de déclaration quant aux impôts et aux paiements versés aux États par les sociétés pétrolières, minières et de gaz naturel.

Au bout du compte, comme l’indiquent les auteurs, « Ce sont, d’une part, la gestion budgétaire adéquate, la transparence, l’établissement de priorités équilibrées, l’engagement des parties prenantes et des outils efficaces pour la collecte des revenus qui peuvent créer un environnement favorable à l’utilisation efficace des revenus issus des ressources naturelles. D’autre part, sans une solide gestion des organes de surveillance, l’utilisation des ressources naturelles peut facilement saper le développement. » Pour véritablement tirer parti du potentiel de ces ressources, le Kenya, le Mozambique, la Tanzanie et l’Ouganda, entre autres pays riches en ressources naturelles, doivent non seulement mettre au point des politiques permettant une gestion efficace et une croissance inclusive, mais aussi effectivement appliquer lesdites politiques.


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