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Commentary

Pour un new deal: Lettre à mes amis français sur l’Europe et l’Amérique

Philip H. Gordon
Philip H. Gordon Former Brookings Expert, Mary and David Boies Senior Fellow in U.S. Foreign Policy - Council on Foreign Relations

January 1, 2005

Reproduced by permission of
Commentaire (Vol. 27, No. 108, Winter 2004-2005).

Chers amis, Comment en est-on arrivé là? Aussi loin que je me souvienne, jamais le fossé n’a été aussi grand entre Européens et Américains. Ces deux dernières années, j’en étais venu à considérer qu’au fond la crise irakienne était une sorte de « tempête parfaite » qui ne pourrait pas se répéter, et que nombre des récentes tensions venaient des personnalités et des défauts des acteurs clés des deux côtés de l’océan. L’ Alliance atlantique a déjà subi bien des crises, et au vu de nos intérêts communs, de nos valeurs et des énormes défis auxquels nous avons à faire face, j’avais confiance en notre capacité à surmonter cette dernière querelle.

La fin de l’Occident?

À présent, je ne sais plus très bien quoi penser. La réélection de George W. Bush le 2 novembre, pour beaucoup d’Européens, a sonné le glas d’une certaine idée de l’Amérique. On ne peut plus considérer Bush comme un Président « accidentel », et il est certain que sa prolongation au pouvoir par le peuple américain rendra encore plus difficile la coopération euro-américaine. Pendant les quatre années à venir, le Président le plus détesté par l’Europe de l’histoire des États- Unis sera un boulet pour les dirigeant européens atlantistes, une provocation permanente pour les anti-américains, et un prétexte formidable pour ceux qui en Europe veulent éviter les fardeaux internationaux dans les situations difficiles comme en Irak ou en Afghanistan. Mon optimisme est donc plus que jamais mis à l’épreuve. Pourtant je suis certain d’une chose : si nous ne trouvons pas rapidement une manière de traiter les uns avec les autres, le dommage fait à la relation transatlantique pourrait devenir permanent. Il se pourrait bien que nous voyions l’émergence d’un nouvel ordre mondial où le concept même d’« Occident » n’existerait plus.

Je ne dis pas que l’Europe et l’Amérique risquent de s’opposer militairement comme l’Est et l’Ouest pendant la guerre froide. Mais, si les tendances désormais à l’oeuvre ne sont pas renversées, nous verrons les deux côtés pousser de plus en plus à la confrontation—sous couvert d’indépendance et d’intérêts propres présentés comme supérieurs—plutôt qu’à la coopération. Cette évolution sonnera la fin de l’OTAN et le début d’une rivalité politique au Moyen-Orient, à l’ONU, en Afrique et en Asie. Les Européens se retrouveraient face à une Amérique qui, à la différence des soixante dernières années, ne serait plus intéressée par une Europe unie et prospère, et chercherait peut-être même à la saper. Les Américains, eux, se retrouveraient, face à d’énormes défis mondiaux, privés de l’appui de leurs partenaires potentiels les plus capables, et qui plus est éventuellement confrontés à leur hostilité. Les pays comme la Grande-Bretagne, l’Italie, et certains pays de l’Europe centrale et de l’Est seraient finalement obligés de choisir entre deux camps antagonistes.

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